Il n’a jamais cherché les projecteurs, mais pendant 26 ans, Jean-Michel Ribéra a pourtant été le premier contact avec le golf pour des milliers de Calédoniens. Arrivé en 1996 pour jouer l’Open de Dumbéa, il a fini par y rencontrer l’amour, y poser ses valises, et former des générations de golfeurs à Tina. Aujourd’hui, ce pro discret, connu pour son swing élégant et son enseignement bienveillant, quitte le Caillou pour le Japon, laissant derrière lui un héritage bien plus grand que les fairways de Tina. Son interview, enrichie par les témoignages de cinq figures du golf calédonien, qui reviennent sur son parcours et son impact.
Tu quittes le Caillou en fin d’année pour aller t’installer au Japon. C’est une information assez surprenante, peux-tu nous expliquer pourquoi ce choix ?
Les raisons sont familiales, nous souhaitons ma femme et moi nous rapprocher de la famille qui vit au Japon. Nous partons début 2026 à Yokohama. J’ai plusieurs projets, mais je préfère les garder pour moi. Après 29 ans ici, ce départ est à la fois une excitation et une page qui se tourne. La Calédonie restera toujours un endroit spécial pour nous.
Tu comptes toutefois travailler dans le milieu du golf ?
Oui, car le golf est ma passion, c’est central dans ma vie. Je compte continuer à enseigner, peut-être dans un club près de Yokohama (2ème ville du Japon, ndlr), ou en développant des projets liés à la formation des jeunes.
Tu as débarqué en Calédonie pour disputer l’Open de Dumbéa, en 1996. Pourquoi ce choix ?
Ce fut par hasard, cela est dû à une 15ᵉ place à l’Open de Tahiti qui m’a permis de venir jouer ici trois semaines après. Je venais à Tahiti depuis plusieurs années car mon pro à Laval était un Tahitien. J’étais motivé à faire le plus de compétitions possible, surtout celles en 4 tours, car il y en avait très peu en France quand on n’était pas sur le Challenge tour. C’était mon premier contact avec le Caillou, et je ne m’attendais pas à y rester aussi longtemps !
Fabrice Ho, pro de golf à Tina de 1995 à 2005 :
« J’ai rencontré Jean-Michel en 1996 lors de l’Open de Tahiti, une épreuve créée par Exalt Hopu, un super pro tahitien formé aux USA. Jean-Michel et lui travaillait ensemble à Laval. J’ai sympathisé avec Jean-Michel et lui ai demandé de venir en Calédonie la semaine suivante pour l’open de Dumbéa : le lendemain, il avait acheté le billet d’avion ! Je lui ai trouvé quelqu’un pour l’héberger le premier jour, ça ne l’a pas fait et le lendemain il dormait chez Yumiko !
Fin 1998, alors que j’avais trop de travail à Tina, c’est Yves Beaumont, alors président de l’association, qui m’a demandé de prendre Jean-Michel comme pro avec moi. Deux mots pour le qualifier ? Passion et rigueur. C’est le gars le plus passionné par le golf que j’ai pu rencontrer. Par le jeu lui-même, son histoire et les valeurs qu’il véhicule. »
Tes jeunes années de pro, tu étais sur quel circuit ?
J’ai fait quelques tournois du circuit français sur invitation et surtout des tournois des circuits régionaux, Pays de la Loire et Bretagne, ainsi que quelques tournois en Ligue de Paris. À l’époque, les tournois en 4 tours étaient rares en France pour ceux qui n’étaient pas sur les grands circuits, alors chaque opportunité comptait. Mais enseigner a fini par me passionner encore plus.
Revenons-en à Dumbéa et à la découverte du Caillou. Te rappelles-tu de tes premières impressions ?
Oui, c’était une ambiance très sympa, avec certains des pros de l’Open de Tahiti que je retrouvais. Un rendez-vous habituel pour les pros du circuit Pacifique en hiver. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Yumiko, qui est devenue ma femme. J’ai été impressionné par la taille spectaculaire du Caillou et les grands espaces de l’île par rapport à Tahiti. Et puis il y avait Yumiko… [sourire].
Jean-Louis Guépy, ancien n°1 français et 50ème européen en 1995 :
« Jean-Michel a été sans aucun doute le plus professionnel de tous les professionnels sur le territoire, très sérieux, très passionné, très patient et fin connaisseur du golf. Il a été le Monsieur crédibilité de l’enseignement à Tina pendant des années.
Aujourd’hui, il choisit avec sa femme le Japon, un univers beaucoup plus sérieux en termes de golf que le nôtre… je pense que c’est pour lui un argument qu’il a pris en compte. Adieu l’ami, et merci ! »
En 1998, tu intègres le club de Tina comme enseignant. Nous sommes en 2025, comment se sont déroulées ces 26 années d’enseignement ?
Non, c’était début 1999, et ça s’est très bien passé. Avec Fabrice Ho, nous avons vu des centaines de jeunes grandir à l’école de golf de Tina, certains devenant même pros. Je souhaite remercier Yves Beaumont et Jacques Lafleur qui m’ont permis de devenir enseignant à Tina.
Dont Julien Foret, le head pro de l’ASGT et du Centre Territorial d’Entraînement.
Oui, je l’ai connu quand il était encore à l’école de golf. Maintenant nous travaillons ensemble, pour l’école mais aussi pour le Centre Territorial d’Entraînement, tous les mardis et jeudis soir, avec 16 élèves. J’ai eu des élèves de tous niveaux, beaucoup de joueurs apprenants, la leçon fait partie du parcours initiatique de quelqu’un qui apprend le golf.
Julien Foret, plus de 15 années sur les circuits européens, head pro de l’ASGTina et du CTE :
» Jean-Michel fait partie des murs du golf calédonien, ça fait je pense 26 ans qu’il est là, il connaît tous les joueurs du Caillou. Il est comme la bibliothèque de notre sport, il sait tout sur tous les jeunes, tous les joueurs, il continue à s’informer sur le golf mondial et européen, et bien sûr local.
C’était une chance pour nous de l’avoir ici, réellement. Qu’il parte, c’est une grande perte pour le golf calédonien, et bien sûr de Tina, je le regrette. »
Comment définirais-tu ta philosophie d’enseignement ?
De la manière la plus simple possible car le golf est un sport absolument passionnant. C’est l’amour du jeu qui en est l’élément central, surtout lorsque l’on arrive à envoyer la balle sur la cible choisie. Progressivement, avec de bonnes bases et du travail, les progrès arrivent très vite et le plaisir est au rendez-vous. Le golf, c’est comme la vie, plus on est détendu et mieux ça marche. Je leur dis toujours : préférez penser à votre club et à la cible.
Le plaisir de ton apprenant devient alors le tien, c’est cela ?
C’est ma récompense. Chaque sourire pour une balle réussie est une victoire.
Dominique Ricaud, ancien pro et enseignant, directeur du golf de Tina depuis 2020 :
« Jean-Mi quitte le Territoire pour aller enseigner au Japon, je dois dire au revoir à un ami, un collègue, un professeur passionné toujours souriant. Il a transmis son amour du golf avec passion et gentillesse à tous ceux qu’il a croisés sur le practice du golf de Tina, mais aussi sur les autres terrains. Jean-Mi, c’est une passion, un partage, un plaisir. Toujours discret, toujours à l’écoute, il a su transmettre et faire progresser tant de joueurs de tous niveaux.
Pour être honnête, n’importe quel directeur d’un golf au monde rêverait d’avoir Jean-Mi comme enseignant dans son équipe. Il part sur le Japon en laissant derrière lui des swings corrigés, et surtout une belle trace d’humanité. Jean-Mi, ne change rien, sache que tu vas laisser un grand vide derrière toi, bisous ! »
Tu as été coach d’équipes, aussi, lors des Jeux du Pacifique.
Oui, deux fois. En 2007 à Apia aux Samoa, coach de l’équipe masculine, pour une médaille d’argent par équipe. Puis les Jeux suivants à Nouméa pour NC2011, toujours avec les hommes mais adjoint de Fabrice Ho, avec un bilan exceptionnel : 4 médailles d’or et 7 podiums sur 8 possibles ! En 2011, voir les joueurs donner tout pour la Calédonie, c’était incroyable.
C’est donc une compétition où justement on joue en équipe. Comment motiver sa troupe alors que les joueurs viennent de clubs différents et ne jouent qu’individuellement ?
Aux Jeux, l’esprit d’équipe prime sur les rivalités de clubs. C’est ça la magie de la sélection. On organisait des briefings le soir pour décompresser. L’esprit d’équipe faisait la différence.
Un petit mot sur les quatre terrains du Caillou, commençons par le plus ancien, Dumbéa.
C’est un golf bien dessiné, rustique, un vrai challenge golfique. La Ouenghi est un peu dans le même esprit, il a d’ailleurs été dessiné par le même architecte, l’Australien Bob Green. On retrouve des similitudes dans le dessin, là aussi c’est un bon challenge. Tina est un spot extraordinaire, un golf à cibles, plus facile qu’il n’y paraît. Quant à Déva, c’est un très beau dessin, on sent la patte d’un design moderne, très travaillé, très beau et très golfique.
Jean-Benoît Pedeutour, président de la Ligue de golf de Nouvelle-Calédonie depuis avril 2024 :
« La ligue le remercie de son investissement auprès de nos jeunes et moins jeunes. Jean-Michel laissera l’image de quelqu’un de calme et de très serviable, à l’humour très fin.
Ce passionné de golf manquera à la Calédonie, mais nous lui souhaitons le meilleur pour l’avenir. »
Comment vois-tu l’évolution du golf calédonien, toi un des piliers de ce sport sur le Caillou ?
C’est très positif, il y a toujours autant d’engouement auprès des jeunes, ceux des écoles de golf mais aussi les scolaires malgré les difficultés dues à la période Covid et aux émeutes insurrectionnelles de l’année dernière. Les choses se rétablissent petit à petit, le golf calédonien va repartir de plus belle, j’en suis sûr. Les émeutes de 2024 ont été dures, mais les clubs se relèvent. Le golf ici a un avenir, à condition de continuer à former les jeunes !
Ses meilleurs scores en compétition :
67 à Tina, 69 à La Ouenghi et à Dumbéa. Déva n’a été joué qu’en loisir.
Le mot de la fin… de la rédaction, Éric, 46 années de golf derrière lui, hcp 6 : « En tant que golfeur, j’ai toujours admiré ton swing, Jean-Michel. Et je me souviens encore de cette unique partie que nous avons jouée ensemble, lors du Trophée des Entreprises à Dumbéa en 2022 – qui reste, hélas pour moi, ma dernière partie à ce jour… Comme toujours, tu as allié précision et simplicité, sans jamais te mettre en avant.
En tant que journaliste, j’ai apprécié ta disponibilité et ton honnêteté, des qualités rares dans un milieu où certains aiment un peu trop les projecteurs. Si j’ai un petit regret, c’est de ne pas t’avoir vu plus souvent en compétition aux côtés de tes ‘élèves’ devenus joueurs confirmés. Tu aurais pu, par ta présence, leur montrer que la passion ne s’éteint jamais, même après des décennies à enseigner. Mais c’est aussi ce qui fait ta force : tu as choisi de te consacrer entièrement à la transmission, sans chercher la gloire.
Alors merci. Merci pour ces presque 30 années de présence, de conseils avisés, et de sourires partagés avec des générations de golfeurs calédoniens. Bon vent pour le Japon, Jean-Michel. Que tes nouveaux fairways t’apportent autant de plaisir que ceux du Caillou t’en ont offert. Et si un jour l’envie te prend de revenir nous montrer comment on swingue toujours aussi bien à 60 ans, sache que ton tee de départ t’attend… et que je ferai un effort pour sortir mes clubs ! »
