Vous avez été numéro 1 français et 50e européen en 1995, comment a débuté votre carrière ?
Je suis un Calédonien, j’ai pris ma valise et je suis parti de mon pays fin des années 80, une époque où il fallait quitter le Caillou pour faire des études ou du sport de haut niveau. Une étape nécessaire pour devenir quelqu’un. J’ai passé mes diplômes de sport et, dès mes 23 ans, je suis resté 14 saisons sur les circuits français et européen mais aussi australien. Après, je me suis rendu compte que cela devenait difficile de gagner, je me suis alors tourné vers l’enseignement. La Fédération française m’a confié des missions, j’ai entraîné des joueurs chevronnés comme Jean-François Luquin ou de jeunes pros, Mathieu Pavon par exemple qui est sur le circuit européen. Mon credo c’est « il ne faut pas être un donneur de leçons mais un montreur d’exemple ».
« Pendant trois heures, j’avais été le meilleur joueur du monde.«
Vous avez un record mondial depuis 2004, celui d’avoir réussi 10 birdies de suite lors de l’Open de Marcilly. Comment gère-t-on psychologiquement une telle partie ?
C’est un peu dur à répondre, car vous me posez la question très longtemps après. Mais à l’époque, j’avais déclaré que pendant trois heures de ma vie, j’avais été le meilleur joueur du monde. Que pendant 3 heures ! Après, j’étais redevenu Jean-Louis Guépy, c’est-à-dire un joueur comme les autres. Aujourd’hui ce qui est difficile dans le golf, c’est de jouer dans le présent, de ne pas se soucier d’un mauvais coup, de son futur score. Quand on fait 10 birdies de suite, il n’y a aucun calcul, ce n’est que du laisser-faire et surtout de la très haute réussite.
A votre retour sur le Caillou en 2000, vous voilà prof d’EPS à Koumac…
Oui, j’avais un demi-poste en fin de semaine, du mercredi au vendredi. Je donnais aussi des cours à Tina. Le président à l’époque m’avait dit oui, mais on ne pouvait pas me barrer la route, car je suis actionnaire fondateur de Tina. Je fais partie des 300 personnes qui ont fait un chèque (1 million, ndlr) pour que le golf se construise. Et aujourd’hui je n’ai toujours pas été remercié pour ça.
Aujourd’hui vous gérez un practice, en dehors d’un terrain de golf, à l’hippodrome de Nouméa. Comment est né ce concept ?
L’idée est venue puisqu’on ne m’avait toujours rien proposé à Tina, malgré une carrière de joueur professionnel avec un CV inégalé. Mon projet a été validé à l’unanimité par le conseil municipal de Nouméa en avril 2006. Je rentre donc définitivement en novembre 2006 avec ma femme et mes deux enfants. L’ouverture a eu lieu l’année suivante en février. J’y ai investi plus de 30 millions. J’en suis à ma 12e saison et je pense que depuis tout ce temps j’ai contribué largement au développement du golf en Calédonie, en formant de nouveaux golfeurs. Ces derniers choisissent ensuite la structure à laquelle ils veulent appartenir, car ici ce n’est pas un club. C’est un endroit où on vient prendre des leçons, taper la balle et s’entraîner.
Comment jugez-vous la santé du golf sur le Caillou ?
C’est très important de former de nouveaux joueurs et je dis bravo à Dumbéa qui joue son rôle de créateur de nouveaux golfeurs, alors que Tina ne le fait plus depuis cinq ou six ans. Tina doit se remettre en question, car le volume potentiel de futurs joueurs est là, dans la capitale. Il faut le conquérir, faire des démarches auprès des scolaires et rendre plus accessible ce sport. Je ne dis pas que les autres acteurs, La Ouenghi, Déva et Dumbéa n’ont pas leur place, bien au contraire, l’image du golf est en train de changer, il faut le démocratiser.
« La 2e place ne m’intéresse pas, tout le monde le sait.«
Le Centre territorial d’entraînement (CTE), créé il y a cinq ans, forme les meilleurs jeunes du territoire. Quel regard portez-vous sur la structure ?
La Direction de la jeunesse et des sports a demandé à toutes les ligues de créer des CTE, certaines ont créé des pôles. Je pense que l’objectif de notre ligue est de s’orienter vers un pôle espoirs ou un pôle France. Aujourd’hui, on a prouvé à la Fédération française, à 20 000 kilomètres, qu’avec 4 parcours et 12 mois de beau temps, on savait fabriquer de très bons joueurs. Il y a eu moi, Tony Raillard, Pierre-Henry Soero, Julien Forêt, Emilie Ricaud ou Ariane Klotz et, bien sûr, Paul Barjon.
Justement, un mot sur Paul Barjon, qui va disputer l’US Open à partir de vendredi…
Je dis chapeau à Paul. C’est un joueur qui a progressé lentement, mais il fait aujourd’hui carrière. C’est un garçon intelligent, en plus d’être un bosseur. J’ai eu une carrière européenne, lui c’est du niveau mondial, chapeau bas.
Vous recevez dans votre stucture, depuis cette année, les plus âgés du CTE. Qu’apportez-vous à ces jeunes ?
Il faudrait leur poser la question. J’essaye de leur donner de nouveaux concepts d’entraînement, de leur expliquer que ce sont de bons joueurs mais qu’il faut bosser et être plus sérieux. Je ne suis pas sûr de la motivation de certains, ils pensent plus à leur téléphone et aux autres jeux. Il est vrai toutefois qu’ils viennent le soir, qu’ils sont fatigués de leur journée, c’est compliqué avec notre système scolaire. Il faudrait que la ligue organise en cette année particulière d’autres compétitions sur 2 jours pour les motiver… D’autant plus qu’il ne reste plus que l’Omnium de Tina ce week-end et un Mérite jeunes le mois prochain à La Ouenghi.
Et qu’en est-il de votre école de golf ?
J’ai une quinzaine d’enfants, ils viennent tous les mercredis hors vacances scolaires, et nous allons deux fois par période sur le parcours de Dumbéa. Une formule qui a été mise en place dès l’ouverture du practice.
Deux jeunes ont trusté toutes les compétitions depuis la première victoire de Jules, votre fils, l’année dernière aux Paillottes, c’est donc lui et Djaïa Darrason. Que pensez-vous d’eux ?
Djaïa a son bac cette année et veut partir aux USA dans une université de golf. Paul Barjon l’a fait mais la route est très longue. Il faut faire des efforts tous les jours, c’est difficile. Il tape très fort la balle mais il peut parfois « chauffer ». Mon fils joue très bien, c’est le plus jeune champion de Calédonie de l’histoire, mais aujourd’hui, comment le garder motivé ?
Votre pronostic pour ce week-end ?
Cela devient de plus en plus difficile de battre les jeunes, mais je connais bien ce terrain sélectif. Je sais jouer dans le vent, je sais putter sur des greens rapides, pour moi toutes les conditions sont réunies pour boucler la boucle. La 2e place ne m’intéresse pas, tout le monde le sait.